Présentation du projet relatif à l’élaboration d’une proposition de loi électorale

Le projet relatif à l’élaboration d’une proposition de loi électorale a été conduit par les deux associations Jeunesse Sans Frontières et Centre Citoyenneté avec le financement de Foundation for the Future. 

Objectifs du projet

Le projet d’élaboration de la loi électorale s’inscrit dans le cadre d’une action de l’Association Centre Citoyenneté et de l’Association Jeunesse Sans Frontières pour contribuer à l’accélération de la phase de transition démocratique que connaît notre pays, vers la création d’institutions durables capables d’assurer à notre peuple la stabilité et le progrès. À cet égard, le présent avant-projet de loi, qui sera déposé auprès des services de l’Assemblée nationale constituante, vise à atteindre les objectifs suivants :

  1. La révision du Décret n° 2011-35 du 10 mai 2011 relatif à l’élection de l’Assemblée nationale constituante, tel que modifié et complété par le Décret n° 2011-22 du 3 août 2011 et le comblement de certaines lacunes constatées lors des élections du 23 octobre 2011, en particulier à travers :
  • Une meilleure organisation et le financement de la campagne électorale
  • La révision du mode de scrutin
  • La rationalisation de la présentation des candidatures, qu’il s’agisse d’élections présidentielles ou législatives
  • L’examen des contestations, soit devant les Cours de justice ou le tribunal administratif
  • Le renforcement des attributions de l’Instance supérieure indépendante pour les élections à toutes les étapes du processus électoral
  • La garantie de l’annonce rapide des résultats préliminaires des élections
  • L’examen des infractions électorales et des sanctions.
  1. L’organisation de la procédure des élections présidentielles et législatives et des référendums. 

Le présent projet tient également compte des normes internationales en matière d’élections démocratiques, intègres et transparentes, dont les plus importantes sont :

  • Les principes du suffrage universel équitable, libre, secret et direct
  • Le cycle des élections
  • La mise en place des garanties judiciaires requises à la fois pour les électeurs et les candidats
  • L’accréditation d’observateurs nationaux et internationaux
  • L’accréditation des représentants des candidats …

Experts et équipe de travail 

Ont contribué à l’élaboration du présent avant-projet de la loi électorale, une pléiade de spécialistes dans le domaine électoral, y compris des professeurs universitaires, des magistrats du tribunal administratif et des tribunaux de justice, des conseillers de l’Assemblée nationale constituante, un expert-comptable et un ingénieur du Centre national de l’informatique ainsi que de nombreux cadres de l’administration publique.

Coordinatrice du projet : Mme Najla Braham, Magistrate

Equipe d’experts : 

1ère équipe : L’électeur

  • Fayçal Sebou’i, Ingénieur informatique
  • Me. Kaouthar Debbach, Professeur universitaire
  • Mme Siham Bouajila, Magistrate
  • Ahmed Allouch, Conseiller à l’Assemblée nationale constituante

2ème équipe : Le candidat

  • Mme Houda Touzri, Magistrate
  • Omar Weslati, Magistrat

3ème équipe : La campagne électorale

  • Mme Soumaya Gombra, Magistrate
  • Mme Nadera Hwass, Magistrate

4ème équipe : Financement de la campagne électorale

  • Mme Chiraz Tlili, Magistrate
  • Mme Fadhila Gargouri, Magistrate
  • Jalal Haddad ; Expert-comptable

5ème équipe : le scrutin

  • Mourad Ben Mouelli, Magistrat
  • ChafiK Sarsar ; Professeur universitaire

6ème équipe : Le dépouillement et l’annonce des résultats

  • Souheil Jammel, Magistrat
  • Mouldi Ayari, Conseiller à l’Assemblée nationale constituante

Légistique

  • Mme Najla Brahem, Magistrate
  • Mouldi Ayari, Conseiller à l’Assemblée nationale constituante
  • Mme Asma Jemmazi, Magistrate
  • Safi-Eddine Elhaj, Magistrat

Consultation

  • Kais Saïd, professeur universitaire
  • Mme. Rachida Neifer, professeur universitaire

Les rapporteurs

  • Melle Samia Kammoun
  • Melle Azza Tombari
  • Hosni Sahbani
  • Melle Souha Mbarki

Cadre administratif

  • Mondher Hamdi, Responsable financier
  • Melle Nadia Chalbia
  • Melle Fadya Nefissi

Exposé de motif du projet de loi électorale

Le projet d’élaboration de la loi électorale, présenté par l’Association Centre Citoyenneté et l’Association Jeunesse Sans Frontières, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la société civile pour contribuer à la réussite du processus transitionnel que connaît notre pays depuis la révolution du 12 janvier 2011.

La formulation de l’avant-projet de la loi électorale est le fruit de la collaboration d’experts électoraux qui avaient participé à la réussite de l’élection de l’Assemblée nationale constituante le 23 octobre 2011, en contribuant à l’élaboration du Décret n° 35 de 2011 portant  élection de l’Assemblée nationale constituante ou en leur qualité de membres des instances centrales ou secondaires de l’Instance supérieure indépendante pour les élections ou de cadres de cette même instance ou d’autres institutions ayant joué un rôle clé dans les dernières élections, tels les Cours de justice, le tribunal administratif, la Cour des comptes ou le Centre national de l’informatique.

Le présent avant-projet de loi proposé à l’Assemblée nationale constituante et élaboré à la lumière des dispositions de la Constitution du 1er juin 2013, vise à développer le cadre juridique des élections législatives et présidentielles et des référendums durant la prochaine phase transitoire, tout en comblant les lacunes observées lors de l’application du Décret 2011-35 du 10 mai 2011 relatif à l’élection de l’Assemblée nationale constituante, tel que modifié et complété par le Décret n° 2011-22. Dans le présent projet, l’accent a été mis en particulier sur les points suivants :

  • La définition d’un chapitre général,
  • La réduction des délais et des détails afin d’élargir le champ d’action de l’instance et lui permettre d’organiser son travail et d’opérer des choix correspondant aux problématiques qu’elle rencontre
  • L’instauration d’un registre permanent des électeurs
  • La vérification des conditions requises pour les élections
  • La rationalisation des candidatures aux élections législatives et présidentielles
  • La révision du mode de scrutin lors des élections législatives
  • La facilitation de l’exercice du droit de vote par les personnes analphabètes et celles en situation de handicap
  • L’organisation du référendum
  • L’organisation et le financement de la campagne électorale ou celle liée au référendum
  • La garantie du droit de recours des décisions de l’Instance tout en simplifiant les procédures et réduisant les délais.

La définition d’un chapitre général

Le chapitre des dispositions générales porte sur le champ d’application du présent projet de loi, à savoir les prochaines élections présidentielles et législatives et le référendum, le cas échéant. Dans le cadre de cette proposition, l’idée de préparer une revue électorale a été abandonnée étant donné qu’il s’agit, lors de la prochaine étape, d’élaborer les textes juridiques relatifs aux autorités locales avant de passer à l’organisation des aspects électoraux y afférents.

Les principaux termes et concepts qui seront utilisés dans le présent projet ont été définis afin de faciliter la tâche de l’ensemble des parties concernées par la loi électorale, à savoir l’Instance, les partis politiques, les candidats et les observateurs.

Enfin, le droit des observateurs à suivre l’intégralité du processus électoral a été reconnu et l’Instance s’est engagée à organiser les conditions de leur accréditation. Ainsi, leur mission commence avec l’instauration de l’Instance et se poursuit jusqu’à l’annonce des résultats définitifs des élections et des référendums. Aussi, leur fonction ne se limite-elle pas à la supervision le jour du scrutin.

L’instauration progressive du registre permanent des électeurs

Le projet de loi électorale proposé permet la mise en place progressive d’un registre permanent des électeurs en se basant, dans un premier temps, sur les listes des électeurs inscrits volontairement à l’occasion de l’élection de l’Assemblée nationale constituante et leur mise à jour, puis à travers l’ouverture de l’enregistrement volontaire au registre avant toute élection ou tout référendum et en obligeant les instances administratives, tels le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et le ministère de la Justice, à fournir à l’Instance toutes les données relatives aux personnes déchues du droit de vote.

Le registre des électeurs est une base de données des personnes habilitées à exercer leurs droits aux élections présidentielles et législatives et aux référendums, y compris toute personne âgée de dix-sept ans qui atteindra dix-huit ans le jour du scrutin et dont la participation aux élections ou au référendum est tributaire d’autres procédures, telle l’obtention de la carte d’identité nationale ou du passeport et la mise à jour de ses données à travers l’enregistrement volontaire. La mise à jour continue de ce registre permettra de contrôler les listes des électeurs qui peuvent, en effet, exercer le droit de vote lors des élections et du référendum.

L’enregistrement électronique n’a pas été retenu dans ce projet car les élections du 23 octobre 2011 ont prouvé le faible engouement des électeurs enregistrés par voie électronique à participer réellement aux élections alors que l’Instance avait mis à leur disposition des bureaux de vote dans toutes les circonscriptions électorales à travers l’ensemble du territoire de la République, avec toutes les implications financières de cette opération. Le taux de participation au scrutin des électeurs enregistrés volontairement a atteint 84% tandis que celui des électeurs enregistrés par voie électronique n’a pas dépassé 13%.

Par ailleurs, toutes les garanties requises pour que tous ceux répondant aux conditions d’éligibilité des électeurs puissent jouir de leur droit de vote, ont été prises lors du processus d’enregistrement au registre des électeurs, à travers :

  • Premièrement, l’ouverture de l’enregistrement, dans un délai raisonnable avant le début du processus de présentation des candidatures aux élections ou le lancement de la participation au référendum, pour que les électeurs enregistrent leurs noms au registre des électeurs ou mettent à jour leurs données personnelles.
  • Deuxièmement, l’Instance supérieure indépendante pour les élections met à la disposition du public les listes électorales au sein des locaux de l’Instance, des sièges des communes, des délégations, des secteurs (Imadats), des sièges des missions diplomatiques ou consulaires tunisiennes à l’étranger, ainsi qu’à travers leur publication sur le site Internet de l’Instance ou par tout autre moyen permettant leur consultation. L’instance sera, ainsi, en mesure de modifier le registre et les listes électorales en cas de contestation des électeurs et de demande de suppression ou d’ajout d’un nom.

Troisièmement, l’Instance s’engage à garantir l’exercice du droit de vote, par le biais de campagnes de sensibilisation, d’information et d’explication nécessaires pour que les électeurs éligibles puissent s’inscrire, d’une part, et pour leur fournir, d’autre part, tous les moyens requis pour l’exercice effectif de leur droit de vote dans les meilleures conditions.

La définition des conditions de vote

Peut exercer le droit de vote tout Tunisien ou Tunisienne inscrit au registre des électeurs, âgé (e) de dix-huit ans révolus le jour du scrutin et jouissant de ses droits civils et politiques et exempté (e) de toute forme de privation prévue par la présente loi. Toute personne condamnée à une des peines complémentaires prévues à l’article 5 du Code pénal la privant du droit de vote ne peut s’inscrire au registre des électeurs ; cette disposition s’applique aussi aux militaires et agents des forces de la Sûreté nationale ainsi qu’aux personnes sous tutelle ou internées.

Dans le présent projet, le cercle des personnes qui peuvent exercer le droit de vote a été élargi, conformément aux normes internationales dans ce domaine, en abrogeant les références aux délits d’atteinte à l’honneur considérés comme un concept ambigu, difficile à maîtriser. En outre, il a été exigé que l’interdiction de vote soit prévue comme peine complémentaire à laquelle doit être condamnée toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit.

En ce qui concerne les militaires et les forces de l’ordre, la possibilité de leur permettre d’exercer leur droit de vote, comme c’est le cas dans la plupart des pays, a été discutée mais il a été rappelé qu’il est nécessaire de procéder de manière progressive dans l’attente de la consolidation des fondements de l’Etat démocratique.

La rationalisation des candidatures aux élections législatives et présidentielles

Lors des élections à l’Assemblée nationale constituante, de nombreuses listes de candidatures ont été enregistrées et estimées à 1781 à l’intérieur et à l’extérieur de la République. Toutefois, la campagne électorale a montré que beaucoup de candidats de ces listes n’avaient aucune intention sérieuse de participer aux élections alors qu’ils avaient bénéficié d’un financement public. Le nombre substantiel de ces listes a rendu le bulletin de vote complexe et ambigu, causant ainsi de grandes difficultés aux analphabètes dans l’exercice de leur droit de vote et augmentant le nombre de bulletins annulés à 3,52% des bulletins récupérés dans les urnes. Ce taux a également augmenté au niveau de la République atteignant 3,6% alors qu’il n’a pas dépassé 1,6% à l’étranger. Ce taux a atteint des niveaux relativement élevés dans les régions de l’intérieur du pays, comme à Baja avec 7,4% et Jendouba avec 7,1% alors qu’il s’est limité autour de 2,1% dans le deuxième arrondissement de Tunis.

Ces raisons ont motivé l’adoption dans le présent avant-projet de loi de deux mécanismes clés en vue de garantir le sérieux des candidatures aux prochaines élections législatives et présidentielles. Ces mécanismes sont :

  • La recommandation : Toute liste de candidats aux élections législatives et tout candidat aux élections présidentielles doivent apporter la preuve de leur sérieux au travers de recommandations d’un nombre minimum d’électeurs inscrits dans la circonscription de leur éventuelle candidature. Une hiérarchie a été retenue pour les recommandations des listes de candidats aux élections législatives selon le poids électoral de chaque circonscription et de manière à garantir un niveau minimum d’égalité entre les listes. En outre, le seuil de signatures a été fixé à 1% maximum des électeurs inscrits dans la circonscription où la demande de candidature a été déposée, conformément à la pratique à l’échelle internationale.

En revanche, pour ce qui est des élections présidentielles, il est impératif que le candidat reçoive 30 mille recommandations d’électeurs inscrits. Le candidat doit, par ailleurs, recueillir des signatures d’au moins 10 circonscriptions et le nombre de signatures par circonscription ne doit pas être en-deçà de mille. Ainsi, les candidatures basées sur des considérations régionales seront évitées.

  • La caution financière : Un mécanisme de caution financière a été mis en place pour les élections présidentielles en tant qu’outil complémentaire des recommandations requises afin de limiter les candidatures non sérieuses. Cette caution financière, fixée à dix mille dinars, ne pourra être restituée que si le candidat obtient 3% au moins des suffrages exprimés.
  • Adoption d’un mécanisme de remboursement du financement public de la campagne électorale. Ceci permettra de combler une des principales lacunes du Décret n° 2011-35 et du décret d’application n° 2011-1087 du 3 août 2011 relatif à la fixation du plafond des dépenses électorales et à la manière de débourser l’indemnité d’aide au financement de la campagne électorale pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale constituante. L’examen de l’article 55 du décret et du deuxième paragraphe de l’article 2 du décret d’application susmentionnés révèle qu’il n’est pas exigé que les listes des candidats n’ayant pas obtenu les 3% des suffrages exprimés au niveau de la circonscription restituent le montant de la subvention au titre de l’aide publique au financement de la campagne électorale, à l’exception de la deuxième tranche qui leur est accordée. Par conséquent, de nombreuses listes ont bénéficié du financement public sans pour autant organiser de campagne électorale et sans que l’Instance puisse exiger le remboursement desdits montants, considérant que ces listes n’ont pas présenté de demande pour l’obtention de la deuxième fraction de l’aide publique.

La révision du mode de scrutin lors des élections législatives

Le système de vote est un mécanisme de conversion des suffrages exprimés par les électeurs en sièges au Parlement. Dans ce projet, le mode de scrutin proportionnel, adopté lors des élections de l’Assemblée nationale constituante, est maintenu, sachant que quelques modifications ont été introduites pour réduire ses imperfections. Les principales caractéristiques de ce mode sont :

  • Chaque parti ou les candidats indépendants doivent présenter une liste de candidats dans chacune des circonscriptions plurinominales adoptant les principes de la parité et l’alternance. Le principe de la parité a été renforcé en obligeant les partis et les coalitions à le respecter au niveau des têtes de liste. En outre, il est exigé qu’un (e) candidat (e) de moins de trente ans figure parmi les trois premiers candidats de la liste afin de renforcer les chances de la présence de jeunes élus au Parlement.
  • Les électeurs votent pour une liste. Chaque liste obtient un nombre de sièges proportionnellement au nombre de voix obtenues.
  • Les candidats sur les listes gagnent selon l’ordre de leur apparition sur la liste. Le mode des listes bloquées a été retenu, les électeurs pouvant ainsi choisir la liste sans préférence pour les candidats y figurant.
  • L’adoption du mode du plus fort reste. Bien que ce choix soit acceptable pour l’élection d’une instance constituante chargée de rédiger une constitution acceptable par tous les citoyens quelle que soit leur appartenance politique, l’instauration d’un système démocratique stable exige que les inconvénients des modes de scrutin proportionnel soient réduits, notamment en termes de fragmentation et de perte des voix pendant les élections, qui aboutissent souvent à la formation de gouvernements de coalition fragiles ne bénéficiant d’aucune base parlementaire solide et, par conséquent, dans l’incapacité de mettre en œuvre des politiques économiques efficaces.

Par conséquent et afin d’éviter ces inconvénients, la règle du seuil électoral a été adoptée, communément appelée quorum électoral et utilisée dans de nombreux pays. Il s’agit du nombre minimum de voix qu’une liste doit obtenir pour prétendre à des sièges au sein de l’instance élue. Ce seuil a été fixé à de 3% des suffrages par circonscription.

En revanche, les Tunisiens de l’étranger préservent leur droit de participer aux élections législatives conformément aux dispositions relatives à l’élection de l’Assemblée nationale constituante, bien que cela soit contraire à l’usage dans les expériences comparées, étant donné que les résidents à l’étranger ne participent habituellement qu’aux élections présidentielles ou aux référendums. Quelques modifications afférentes à cette participation ont ainsi été introduites, notamment l’adoption d’une seule circonscription représentant les Tunisiens de l’étranger compte tenu du coût et de la difficulté de contrôler et de superviser ces élections par l’Instance.

L’organisation du référendum

L’organisation des référendums est au cœur de l’avant-projet de la loi électorale, lequel aborde de nombreuses questions fondamentales, notamment :

  • La définition de l’autorité compétente pour inviter les électeurs à un référendum. Conformément aux dispositions des articles … et du projet de constitution, il s’agit du Président de la République ;
  • L’obligation de diffuser le texte du projet à soumette au référendum par le biais de l’Imprimerie officielle de la République tunisienne afin que les électeurs et les partis participant au référendum puissent le consulter ;
  • La mise en valeur de la question posée « Acceptez-vous le projet de constitution ou le projet de loi qui vous est présenté ? » en tenant compte de l’importance de la question et son éventuelle utilisation pour orienter et influencer les électeurs ;
  • La définition des réponses au référendum qui ne peuvent être que « Oui » ou « Non » ;
  • L’organisation de la participation des partis au référendum.

La facilitation de l’exercice du droit de vote par les personnes analphabètes et celles en situation de handicap

La participation des personnes analphabètes au scrutin a été organisée en engageant l’Instance à prendre toutes les dispositions et tous les arrangements pratiques requis et susceptibles de les aider à exercer ce droit, et en invitant les partis et coalitions politiques ainsi que les listes des candidats indépendants à adopter des symboles singuliers les distinguant des uns et des autres sur le bulletin de vote. Par ailleurs, la possibilité de se faire assister par un accompagnateur aux urnes a été retirée pour les électeurs analphabètes en vue d’éviter toute influence sur leur volonté et ainsi de respecter le principe de la confidentialité du vote.

En outre, l’Instance est obligée de préparer les bureaux de vote pour faciliter aux personnes en situation de handicap l’exercice de leur droit de vote. Seules les personnes présentant une carte d’invalidité peuvent bénéficier des mesures et procédures dédiées aux personnes en situation de handicap le jour du scrutin. Aucun accompagnateur ne sera admis sauf pour les non-voyants, les personnes souffrant d’un handicap physique les empêchant d’écrire ou d’un handicap mental léger.

Les dispositions relatives à l’organisation et au financement d’une campagne électorale ou d’une campagne pour un référendum

Lors de l’élection de l’Assemblée nationale constituante, un manque d’encadrement juridique de la campagne électorale a été enregistré au niveau du Décret électoral n° 2013- 35. Aussi, l’Instance supérieure indépendante pour les élections a-t-elle dû recourir à son propre pouvoir réglementaire pour prendre une série de décisions visant à un meilleur encadrement de la campagne électorale, compte tenu de l’importance que revêt cette étape dans le processus électoral en termes d’orientation des électeurs et d’influence sur leurs choix le jour du scrutin. La plus importante de ces décisions est celle prise le 3 septembre 2011 qui fixe les règles et procédures de la campagne électorale. L’Instance a établi un cadre juridique pour la campagne électorale, mais aussi pour la période qui la précède, d’autant que le décret électoral ne prévoit aucune disposition relative à cette période, en dépit de son importance. L’Instance interdit, en l’occurrence, toute publicité politique pendant cette période du fait qu’elle est liée au financement politique et son utilisation pour influencer le choix des électeurs durant une brève période précédant directement la campagne électorale. En outre, la non-interdiction de la publicité et le marketing politique constitue une violation du principe de l’égalité entre tous les candidats, quelles que soient les ressources financières dont ils disposent.

Néanmoins, la restriction du pouvoir réglementaire de l’Instance, notamment en ce qui concerne les sanctions qui peuvent être appliquées contre les candidats en cas de violation des règles de la campagne électorale, à savoir que les sanctions pénales, financières ou privatives de liberté, ne peuvent être reconnues qu’en présence d’un texte légal, rend l’application de ces règles et réglementations limitée, en termes d’efficience et d’efficacité, et sans effet dissuasif sur les nombreuses personnes qui ne les respectent pas en commettant des infractions liées à l’utilisation des médias audio-visuels ou à la publicité politique.

En raison de toutes ces lacunes, le présent projet met l’accent sur l’organisation de la campagne électorale et de la campagne pour le référendum en présentant les principes qui les régissent, tels le principe de neutralité de l’Administration, des lieux de culte et des médias, le principe de l’équité et de l’égalité des chances entre l’ensemble des candidats ainsi que la transparence de la campagne en termes des sources de financement et de dépense des fonds alloués, le respect de l’intégrité physique, de l’honneur et de la dignité des candidats et des électeurs ainsi que le principe de non incitation à la haine, au fanatisme et à la discrimination, tout en prévoyant des sanctions contre toute violation de ces dispositions avec hiérarchisation de ces sanctions et en respectant le droit à la défense après constatation desdites violations par les contrôleurs de l’Instance.

En outre, la publicité politique est interdite durant les trois mois précédant le lancement de la campagne électorale et durant la campagne ainsi que le jour du silence électoral et le jour du vote. Cependant, les moyens de promotion relatifs aux élections et au référendum, que les listes des candidats aux élections législatives et les candidats aux élections présidentielles ou les partis peuvent utiliser pour les référendums, ont été définis et la possibilité de recourir aux médias étrangers a été écartée.

Par ailleurs, les attributions de l’Instance supérieure indépendante pour les élections ont été expliquées, à l’instar de celles de l’Instance supérieure indépendante de la communication audiovisuelle, laquelle a été dotée, en vertu du chapitre 4 du Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de communication audiovisuelle, portant création d’une instance supérieure indépendante de la communication audiovisuelle, des compétences de contrôle dans le domaine électoral. Les sanctions que l’Instance peut prononcer en cas de violation des règles de la campagne ont également été définies.

De plus, l’organisation du financement de la campagne a été revue dans le cadre de ce projet en vue de palier aux lacunes du Décret électoral n° 2011-35, du Décret n° 2011-91 du 29 septembre 2011 relatif aux procédures et aux modalités d’exercice du contrôle de la Cour des comptes du financement de la campagne électorale pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale constituante et du décret d’application n° 2011-1087 du 3 août 2011 relatif à la fixation du plafond des dépenses électorales et à la manière de débourser l’indemnité d’aide au financement de la campagne électorale pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale constituante. Dans ce cadre, il a été procédé à ce qui suit :

  • La définition des dépenses considérées comme dépenses électorales, sachant que le décret d’application lié au plafond des dépenses électorales ne prévoit aucune définition ou description de la nature des dépenses à caractère électoral qui peuvent être incluses dans la comptabilité de la campagne électorale. A cet égard, les dépenses électorales sont la somme des frais contractés ou dépensés ou les moyens utilisés durant la campagne électorale ou celle du référendum ou encore les dépenses promises avant consommation, lors de la période de la campagne, et qui ont pour objectif l’obtention des voix des électeurs.
  • La nomination par le candidat ou la tête de liste ou le parti d’un agent parmi les non candidats pour gérer le seul compte bancaire de la campagne ainsi que les questions financières et comptables afférentes à la campagne en vue de définir un interlocuteur unique qui soit responsable devant l’Instance.
  • La Banque centrale tunisienne assiste l’Instance dans le contrôle des opérations d’ouverture du compte bancaire unique et veille à ce que tout candidat, liste de candidat ou parti n’ait qu’un seul compte bancaire. Elle doit, en outre, fournir le relevé de ces comptes à l’Instance et à la Cour des comptes.
  • Le remplacement du système de l’aide préalable au financement de la campagne électorale par un système de remboursement des dépenses. Dans ce cadre, la campagne est financée par les propres moyens de la liste des candidats ou le candidat, avec la possibilité de restitution des fonds engagés dès lors que la liste ou le candidat obtient plus de 3% des suffrages exprimés et que la Cour des comptes a vérifié la légitimité des dépenses et le respect du plafond dont le montant et les conditions sont fixés par décret d’application. Ce système permettrait d’éviter le gaspillage des deniers publics, étant donné que de nombreuses listes ont bénéficié de la subvention sans participer à la campagne électorale.
  • La reconnaissance de la possibilité de financement personnel qui était interdit, donnant ainsi lieu à des transgressions, vu que les listes des candidats ne peuvent compter que sur l’aide publique.
  • L’élargissement et l’organisation du pouvoir de la Cour des comptes en termes de contrôle de la campagne et de l’imposition de sanctions dissuasives.

Enfin, il convient de signaler que, dans le cadre de ce projet, de nombreuses lacunes observées lors de l’élection de l’Assemblée nationale constituante ont été comblées. Les attributions de l’Instance supérieure indépendante pour les élections ont été consolidées, notamment en ce qui concerne le contrôle du calendrier des élections et des référendums et des sanctions que l’Instance peut infliger aux contrevenants aux dispositions de la loi électorale.